Les Poupées Russes
Avec « l’auberge espagnole », Cédric Klapisch avait mis en scène un véritable « friends » européen, original et rythmé, drôle et touchant. En choisissant de faire une suite, le réalisateur français allait retrouver un univers propice au décalage, à l’humour et au dépaysement. Si le premier opus se révélait inégal mais indubitablement sympathique, « les poupées russes » permet à Cédric Klapisch d’aller plus loin avec les mêmes personnages et le même univers tout en retombant malheureusement dans les mêmes travers.
Cinq ans se sont écoulés depuis que Xavier a tout plaqué pour vivre son rêve d’enfance : devenir écrivain. Il est un peu perdu, enchaîne les aventures amoureuses inconsistantes, et s’essaie à tous les petits boulots liés à l’écriture. Dernièrement, il a beaucoup de mal à faire son travail : écrire la suite d’un téléfilm à l’eau de rose où les protagonistes vivent une histoire d’amour… simple. Rattrapé par l’internationalisation du téléfilm et le mariage de son ami William, il se retrouve à voyager entre Paris, Londres et Saint-Pétersbourg. Ces voyages seront pour lui l’occasion de mettre au clair ses ambitions amoureuses et professionnelles.
Le scénario des « poupées russes » est l’occasion pour Cédric Klapisch d’approfondir les personnages là où il les avait laissé la dernière fois. Si « l’auberge espagnole » pouvait se suffire à lui-même, cette suite permet au cinéaste français d’explorer de nouvelles voies en conservant les mêmes principes utilisés précédemment (narration bordélique, montage déstructuré). On quitte une joyeuse bande estudiantine pour retrouver des trentenaires paumés aux introspections douloureuses. Les personnages de Klapisch ont grandi, ont mûri, et se posent des questions très contemporaines et vivent des situations franchement moins drôles qu’à Barcelone. « Les poupées russes » joue la carte de l’authenticité, de l’émotion. On perd de vue l’humour et la bonne humeur de « l’auberge espagnole » pour un récit crédible, souvent douloureux, et parfois drôle.
« Les poupées russes » est surtout un film sur l’amour (en général) et le couple (en particulier). Klapisch offre une vision moderne et authentique des histoires d’amour qui forcément touche de près ou de loin le spectateur. Les dialogues sont efficaces et pertinents, la folie douce du premier opus est conservée, mais le scénario est à tiroirs. Si l’ensemble est sympathique, l’accumulation de personnages et de situations alourdit l’histoire qui met péniblement plus de deux heures à se raconter. Arrivé à la fin du long-métrage, on finit par se dire qu’il a fallut beaucoup de temps à Cédric Klapisch pour dire si peu de choses.
Demeure toutefois la fabuleuse alchimie des comédiens qui semblent retrouver avec beaucoup de plaisirs leurs anciens rôles. Leur envie est palpable et leur plaisir communicatif. Romain Duris tourne à nouveau avec Cédric Klapisch et impressionne toujours autant par sa facilité et sa décontraction. Loin de son dernier rôle dans l’exceptionnel « de battre mon cœur s’est arrêté », Duris reprend à merveille son personnage d’égoïste énervant, d’éternel paumé, de blablateur compulsif. On retrouve également avec beaucoup de plaisir l’intégralité (!) du casting de « l’auberge espagnole » : Cécile de France, Audrey Tautou, Kelly Reilly ou encore Kevin Bishop pour ne citer qu’eux.
Dopé par une musique rythmée et une mise en scène efficace, le film de Cédric Klapisch est avant tout encroûté par sa durée et son accumulation de scènes pas toujours très utiles. On retiendra néanmoins l’ambiance, les comédiens, la réalisation et surtout une idée de départ vraiment authentique et contemporaine.