CANNES 2009_PART1
37 ans après la mort de sa femme (l’actrice et mannequin Irène Tunc) , et suite à la redécouverte de journaux intimes remontant à l’époque de cette tragédie, un homme fait la synthèse de sa vie avant, pendant, et après celle-ci.
En l’espèce, il s’agit de la vie du réalisateur Alain Cavalier lui-même. Ses interrogations émeuvent car elles touchent par leur sincérité, leur justesse et leur banalité tant on est tous égaux devant la mort. Il semble revivre avec intensité ces moments, se remémore ce qui s’est passé et ce qui aurait pu être évité.
Le style artisanal et minimaliste peut dérouter, ses jeux avec les formes, ombres couleurs, etc. peuvent bousculer, mais il n’en demeure pas moins que l’œuvre accouchée de ce destin tragique est aussi sincère que poignante.
LA-HAUT - OUVERTURE - HORS COMPETITION
La magie Disney supplantée par le savoir-faire Pixar ? Plus de 50 ans après la Palme d’or de « Dumbo », le célèbre studio américain faisait, à l’occasion du 62e festival de Cannes, l’ouverture dans des conditions exceptionnelles. Public conquis d’avance, projection 3D, équipe au complet et Charles Aznavour (voix VF) en invité d’honneur. Un grand rendez-vous !
« Là-haut » raconte les aventures d’un vieillard misanthrope qui décide, suite à un procès absurde, de réaliser une promesse faite des années auparavant à sa femme désormais décédée.
On sent d’emblée que par son sujet ce film ne va pas s’adresser à un jeune public. Au contraire, « Là-haut » a le mérite d’élargir (ou la volonté de conquérir) le cinéma d’animation à un nouveau public autrefois oublié par les créateurs de ce genre de films : les seniors. Abordant avec une grande sobriété des sujets délicats comme le deuil, la solitude, le destin et par extension la vie, « Là-haut » offre de vrais moments d’émotion.
La technique irréprochable et la créativité du film viennent renforcer un peu plus la maîtrise du sujet. Accompagné par un talent indéniable pour raconter des histoires ainsi qu’une très belle musique, ce long-métrage traite avec justesse et poésie de ces moments uniques de l’existence où l’ont décide de changer.
Certes, le film ne transpire par le génie et ne révolutionne en rien ni son thème ni son domaine, mais il offre un beau voyage initiatique plein de finesse et de beauté.
FISH TANK - COMPETITION
Héritier du cinéma de Mike Leigh et Ken Loach, le film d’Andrea Arnold - aux forts accents misérabilistes et sociaux - nous plonge dans la vie de Mia, jeune fille de 15 ans qui passe son temps à boire et à faire des chorégraphies hip-hop. Son univers bascule avec l’arrivée du dernier amant de sa mère.
Traitant de la précocité et de la vie difficile de la jeunesse anglo-saxonne désabusée et abandonnée, le film est malheureusement linéaire et prévisible. Pire ! On retrouve tous les clichés du genre : famille monoparentale, pauvreté, banlieue, alcool, etc. Heureusement la fin, par un suspense à surenchère aussi intense qu’atroce, réveille un spectateur endormi par les longueurs injustifiées du film.
Reste une jeune interprète (Katie Jarvis) exceptionnelle, entourée du remarquable Michael Fassbender et de Kierston Wareing déjà vue dans « It’s a Free World » de Ken Loach.
SPRING FEVER - COMPETITION
Lou Ye, frappé d’interdiction de tournage par son pays, parvient à nous livrer ici une œuvre dense, dramatique et parfois inaccessible sur un triangle amoureux improbable dans une Chine grise et conservatrice.
Dans la ville de Nankin, une femme fait suivre son mari car elle le soupçonne d’infidélité. Le détective qu’elle engage va alors se retrouver au cœur d’une intrigue amoureuse complexe et douloureuse.
Explorant l’amour dans ce qu’il peut avoir de plus extrême et destructeur (jalousie, obsession), le cinéaste chinois dresse le portrait d’un pays conservateur et réactionnaire où l’homosexualité est taboue. La sensualité et l’érotisme de ses personnages ambigus viennent complexifier des rapports déjà chaotiques entre eux. Le casting exceptionnel du film compense la récurrence mélodramatique de ses séquences. Le grain de l’image et la quasi absence de musique fabriquent un univers lourd, pesant.
« Spring Fever » est un film remarquable sur l’amour mais il s’étend un peu trop sur son propos. La mise en scène remarquable et un casting inspiré font de ce long-métrage une réussite malheureusement trop intimiste.
AIR DOLL - UN CERTAIN REGARD
Hirokazu Kore-Eda, récemment à l’affiche avec l’exceptionnel « Still Walking », livre à nouveau une œuvre intime avec « Air Doll », l’histoire d’une poupée gonflable qui du jour au lendemain se réveille avec un cœur.
Flirtant en permanence avec le fantastique et l’onirique, ce conte moderne est un terrain propice aux interrogations sur les affres de la solitude et sur les émotions comme moteur de notre existence.
Poupée gonflable s’éveillant à la conscience, Nozomi passe par toute une phase d’apprentissage. Une fois ses besoins immédiats satisfaits (lire, écrie, etc.), elle est confrontée progressivement à des sentiments plus complexes : le vieillissement, l’amour, la mort, le chagrin, etc. Les personnages qui l’entourent et l’influencent sont autant de reflets de nos interrogations quotidiennes et le spectateur est un témoin impuissant de développement de Nozomi.
D’un point de vue purement formel, le long-métrage offre de belles compositions visuelles. Loin de la contemplation et des clichés, c’est un Japon du quotidien qui est mis en scène. Il n’empêche que Kore-Eda nous gratifie d’une œuvre douce et subtile qui encourage la réflexion. Profondément métaphysique et philosophique, « Air Doll » risque cependant de fâcher les défenseurs de Hobbes puisque cette poupée « naît » fondamentalement bonne, au sens entendu par Rousseau ou Locke.
Le casting sérieux permet au cinéaste un traitement juste de son propos. La jeune Doo Na Bae est convaincante dans ce rôle de poupée. A noter l’excellent caméo de Susumu Terajima, un habitué des films de Kitano.
« Air Doll » est un film intelligent qui, s’il prend un peu trop son temps et s’égare dans des phases répétitives, aborde un sujet complexe et foncièrement intéressant.
THIRST, CECI EST MON SANG - COMPETITION
« Thirst » est une variation de Park Chan-Wook sur le vampirisme où un prêtre catholique subit une mutation après avoir été cobaye pour des expériences sur un virus africain.
Si « Thrist » ne révolutionne en rien un genre déjà bien balisé – le prêtre passe par toutes les étapes de la découverte et la prise de conscience de son état – il subjugue par son ambiance réussie et sa mise en scène exceptionnelle.
Porté par un Song Kang-Ho remarquable, le long-métrage étonne par la simplicité de ses trucages et de ses décors. Le travail graphique cher au cinéaste est néanmoins bien présent et il nous gratifie de grands moments filmiques. La photo, les couleurs, la musique réussis n’effacent cependant pas la longueur du long-métrage qui affiche un total de 2h13.
Si le réalisateur de « Old Boy » étonne d’avoir choisi un tel sujet, son postulat de base est jubilatoire et son talent est indéniable. Sans bousculer un genre dont il aurait pu s’affranchir des codes, il subjugue par son univers, ses personnages et son ambiance.